Actualités Réunion des bailleurs de fonds sur l’agroécologie : explorer le potentiel des banques publiques de développement dans les transitions agroécologiques
Agroécologie

Réunion des bailleurs de fonds sur l’agroécologie : explorer le potentiel des banques publiques de développement dans les transitions agroécologiques

La Réunion des bailleurs de fonds sur l’agroécologie a rassemblé des institutions financières de développement (IFD), des organisations internationales et des banques publiques de développement (BPD) afin d’examiner comment les BPDs peuvent stimuler la transition agroécologique et accroître les investissements grâce à la collaboration et à la plateforme Agri-PDB.

Réunion des bailleurs de fonds sur l’agroécologie :

Explorer le potentiel des banques publiques de développement dans les transitions agroécologiques

17 octobre 2025 | Rome, Italie

 

La Réunion des bailleurs de fonds sur l’agroécologie a rassemblé des institutions financières de développement (IFD), des organisations internationales et des banques publiques de développement (BPD) afin de réfléchir à la manière dont les BPDs peuvent accélérer la transition agroécologique. La discussion s’est articulée autour de deux thèmes principaux : d’une part, l’examen du lien entre les BPDs et l’agroécologie, et d’autre part, les défis pratiques, les besoins d’appui et les partenariats nécessaires pour intensifier les investissements agroécologiques, où la plateforme Agri-PDB s’est imposée comme un facilitateur clé. Organisée par la Coalition pour l’agroécologie, la session a été animée par Colin Anderson, co-directeur de l’Institute for Agroecology de l’Université du Vermont, où il dirige un programme de recherche sur le financement de l’agroécologie.

 

Partie I : Comprendre la relation entre les BPDs et l’agroécologie

Les intervenants ont souligné que les BPDs peuvent jouer un rôle déterminant dans la transformation de la finance au service de systèmes alimentaires durables. Elles relient les politiques publiques à la mise en œuvre locale et fournissent un capital patient et à long terme capable de rendre l’agroécologie viable sur le plan financier.

  • AFD (France) a décrit l’agroécologie comme une approche crédible pour répondre aux défis de la sécurité alimentaire, de l’emploi rural, de la biodiversité et du climat. L’AFD soutient les BPD nationales à travers des financements concessionnels, la coopération technique et le dialogue politique, afin d’intégrer l’agroécologie dans les cadres nationaux d’investissement agricole.
  • KfW (Allemagne) a présenté l’agroécologie comme une approche transformatrice qui protège les écosystèmes tout en renforçant la sécurité alimentaire et nutritionnelle. La KfW promeut l’intensification écologique et la bioéconomie, en alignant les financements sur la durabilité et l’appropriation nationale.
  • Banque mondiale a présenté sa plateforme AgriConnect, qui mobilisera 9 milliards USD d’ici 2030 pour renforcer les systèmes de données, réduire les risques des investissements privés et améliorer la productivité. Katie Freeman a souligné que la mise à l’échelle de l’agroécologie nécessite des investissements concrets, fondés sur des données probantes, et une collaboration accrue entre la recherche et les acteurs financiers.
  • FIDA a expliqué comment l’agroécologie est intégrée dans ses opérations à travers la conception territoriale et participative des projets, le cofinancement avec les organisations de producteurs, ainsi que des ressources concessionnelles additionnelles provenant de partenaires tels que l’UE et le GCF.
  • FINAGRO (Colombie) a mis en avant ses lignes de crédit pour la transformation durable et productive, combinant objectifs climatiques et sociaux. Sa collaboration avec BIOFIN permet de quantifier les coûts et impacts de la transition, démontrant que le financement du changement agroécologique nécessite un appui systémique.
  • Crédit Agricole du Maroc a partagé son expérience en tant que banque hybride à la fois commerciale et de développement, soulignant que l’agroécologie nécessite non seulement du crédit mais aussi un appui non financier — formation, assistance technique — qui exige un cofinancement des bailleurs.
  • Banque Agricole du Sénégal a présenté ses efforts pour développer des lignes de financement vertes et des mécanismes de partage des risques en partenariat avec les banques multilatérales, soulignant que la collaboration à travers la plateforme Agri-PDB est essentielle pour rendre l’agroécologie « bancable ».
  • BID (Banque interaméricaine de développement) a présenté son Cadre sectoriel agricole 2024, qui inclut explicitement l’agroécologie. Marion Le Pommellec a insisté sur la nécessité de « subventions intelligentes » et de systèmes d’innovation participatifs pour remplacer les incitations agricoles conventionnelles et descendantes.
  • NABARD (Inde) a présenté le programme Jiva, qui a déjà apporté des bénéfices tangibles aux agriculteurs : réduction des coûts d’intrants de 40 à 60 %, amélioration de la santé des sols et de la nutrition des ménages. En intégrant cultures et élevage, Jiva démontre comment l’agroécologie renforce à la fois la résilience et la productivité, servant de modèle reproductible pour les petits exploitants.
  • Plateforme Agri-PDB a rappelé que l’adoption de l’agroécologie n’est pas une option mais une nécessité pour les BPDs, afin de remplir leur mandat de développement et de contribuer à des systèmes alimentaires plus résilients et inclusifs. Thierry Latreille a précisé que la plateforme, co-dirigée par le FIDA et l’AFD, relie environ 140 BPD agricoles dans 90 pays, favorisant l’apprentissage entre pairs, les échanges techniques et le renforcement des capacités au service de la transition agroécologique.

Partie II : Défis, besoins d’appui et rôle de la plateforme Agri-PDB

Dans la seconde partie de la session, les questions du public et la discussion ouverte ont porté sur les obstacles structurels freinant l’investissement agroécologique et sur la manière dont les BPDs peuvent être mieux soutenues pour amplifier leur impact.

Les intervenants ont convenu que, malgré des engagements politiques et des programmes pilotes existants, les financements, la gestion des risques et les capacités institutionnelles demeurent des goulets d’étranglement majeurs.

  • Daniel Moss (Niagara Public Health) et Jane Malin-Katz (Fondation McKnight) ont interrogé la capacité des BPDs à maintenir l’agroécologie à travers les changements politiques et à renforcer leurs liens avec les agriculteurs et acteurs locaux.
    Katie Freeman (Banque mondiale) a répondu que le dialogue continu et les partenariats de recherche sont essentiels pour identifier des investissements concrets et garantir la continuité au-delà des cycles politiques.
  • Marion Le Pommellec (BID) a souligné la nécessité d’une adaptation stratégique : reformuler l’agroécologie en termes d’agriculture régénératrice ou de compétitivité durable lorsque les contextes politiques évoluent. Elle a mentionné un programme régional du GCF combinant appui technique et financier, rappelant que politiques et financements doivent progresser de concert.
  • Abdou Aziz Diedhiou (Banque Agricole du Sénégal) a proposé de développer des lignes de crédit conjointes entre les banques multilatérales et nationales dans le cadre collaboratif de la plateforme Agri-PDB, afin de réduire les risques liés aux investissements écologiques de long terme. Il a précisé que les banques commerciales manquent souvent de visibilité et d’appétence pour ces projets à retour lent, soulignant la nécessité d’une coopération plus étroite entre institutions.
  • Mustafa Chehhar (Crédit Agricole du Maroc) a ajouté que les services non financiers — formation des agriculteurs, sensibilisation et appui technique — sont indispensables mais coûteux, et doivent être cofinancés par les bailleurs et les banques publiques, les institutions commerciales ne pouvant assumer seules ces charges.
  • Thierry Latreille (Plateforme Agri-PDB) a synthétisé la discussion : seuls 30 % des besoins mondiaux en financement agricole sont actuellement couverts, dont les deux tiers déjà assurés par des BPD agricoles. Soutenir ces banques à travers l’assistance technique, les lignes de crédit concessionnelles et les outils de développement de projets est donc essentiel. Il a annoncé la tenue prochaine d’activités d’apprentissage entre pairs et de formations sur le programme ABC du Brésil et sur les méthodologies de gestion de projet des BPDs, illustrant la mise en œuvre concrète de ce soutien.
  • Viggo Oliveira (FIDA) a noté que les outils traditionnels d’analyse de rentabilité sous-estiment les bénéfices de résilience de l’agroécologie. Le FIDA révise actuellement ses modèles d’analyse financière pour y intégrer des indicateurs de résilience, en cohérence avec l’initiative de la plateforme visant à améliorer les données et les preuves disponibles.
  • Julián García (FINAGRO) a rappelé que les petits producteurs ne peuvent assumer seuls les coûts de transition. Les bailleurs, les gouvernements et les consommateurs doivent partager cette responsabilité. Il a souligné que l’apprentissage entre pairs via la plateforme Agri-PDB aide les banques nationales à identifier des modèles institutionnels viables pour étendre le crédit et l’inclusion.
  • Colin Anderson (UVM Institute for Agroecology) a conclu en rappelant que les études sur l’agroécologie montrent clairement que cette approche est la plus efficace lorsqu’elle est dirigée par les agriculteurs et les communautés locales. Il a également souligné que, s’il est important de réfléchir à la question de « ce qu’il faut financer », il est tout aussi essentiel de se demander « ce qu’il ne faut pas financer ». Cette réflexion permettrait aux banques multilatérales de développement de renforcer leurs garde-fous et d’éviter les investissements susceptibles de compromettre la capacité des agriculteurs et des communautés à conduire leurs propres transformations agroécologiques.

Ces échanges ont démontré que la plateforme Agri-PDB joue un rôle de catalyseur, aidant les BPDs à renforcer leurs capacités, à se connecter aux bailleurs et partenaires techniques, et à accéder aux connaissances et au soutien technique nécessaires pour relever ces défis systémiques. En reliant les acteurs financiers et techniques, la plateforme garantit que les BPDs disposent des outils nécessaires pour faire de l’agroécologie une transformation systémique à grande échelle.